Nicolas dupuis selectionneur des barea

Nicolas Dupuis veut faire bouger les choses à Madagascar

  • Le 22/10/2018
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Le sélectionneur des Barea espère que la qualification de son équipe pour la CAN 2019 va engendrer une "prise de conscience" au sein de la Fédération.

De retour en France après la qualification de Madagascar pour la CAN 2019 - la première de son histoire - Nicolas Dupuis nous a accordé quelques mots ce week-end. Pour Goal, le sélectionneur des Baréa est revenu sur ce qu'il décrit comme le plus grand moment de sa carrière.

Heureux et fier, l'entraîneur français n'oublie pas pour autant qu'il reste beaucoup de choses à faire afin que le football malgache continue à évoluer. Et pour cela, il appelle tout le monde à se mettre au travail, y compris la Fédération.

Que ressentez-vous après cette qualification historique de Madagascar pour la CAN 2019 ?

Nicolas Dupuis : Une grande fierté. C'était un truc inimaginable il y a quelques temps. Quand le président Ahmad m'a fait venir il y a deux ans et demi, on s'était mis autour d'une table et il m'avait demandé "comment faire ?" Je lui avais dit qu'il fallait d'abord aligner les meilleurs, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Il m'a donné carte blanche, de façon justement à faire venir les meilleurs, d'avoir un meilleur positionnement auprès des partenaires privés, et de faciliter l'organisation des matches amicaux. De fil en aiguille, ça a pris, les joueurs nous ont rejoint. Et aujourd'hui, tout le monde est hyper soudés. On forme une vraie équipe avec un objectif commun.

Pouvez-vous nous raconter la fête sur place ?

Ça va peut-être vous paraître aberrant, mais la Fédération n'a pas organisé de fête. Des partenaires privés s'en sont rendus compte et nous ont permis de remplacer le manque de festivités. Peut-être que la Fédération n'a pas l'habitude... De toute façon, c'est sûr qu'ils n'ont pas l'habitude, puisque c'est la première fois qu'on se qualifie (rires). Il n'y a donc pas eu de réceptions. Ils sont partis, laissant l'équipe et le staff tout seuls là-bas.

En pleine manifestation.

Oui, on s'est retrouvé en danger dans une manifestation étudiante. Les pauvres, on les comprend. Ils n'ont plus d'éléctricité depuis trois mois. Les dirigeants sont partis seuls. Nous, on avait à peine la place pour rentrer dans les mini-bus, mais ça ne nous a pas empêché de fêter ça. Le lendemain, on a été invité par le chef de l'Etat. C'était sympa aussi.

On peut dire que le coup a été rattrapé en quelque sorte.

On peut dire ça. Mais moi, je n'en veux pas du tout à la Fédération. Ils n'ont juste pas l'habitude de faire les choses, ils n'ont peut-être pas les compétences non plus. Ce n'est pas grave. Juste, quand on me demande s'ils ont organisé quelques chose, je dis "non". Je suis obligé de dire la vérité, c'est tout.

Aujourd'hui, vous avez retrouvé votre famille et vos amis. Eux, en revanche, ont peut-être organisé quelque chose...

Retrouver la famille, ça fait du bien, surtout que je pars assez souvent. Ma femme était là pour m'accueillir. Deux de mes trois enfants sont rentrés samedi soir. Et les amis m'ont félicité amplement. Je les ai au téléphone à tour de rôle, mais comme je suis obligé de retourner à Tana dès mardi, on fêtera ça plus tard.

"Un viver énorme à exploiter, mais pour ça il faut travailler"


Est-ce le plus grand moment de votre carrière d'entraîneur ?

Forcément. Même si j'ai réalisé quelques exploits en Coupe de France, là ça n'a rien à voir. Une qualification pour la CAN, c'est quelque chose, surtout dans un pays qui ne l'a jamais faite. Je sens un peuple qui me soutient à fond, des joueurs qui sont hyper soudés derrière moi. Il y a beaucoup de partenaires privés qui nous soutiennent. Pareil pour la télévision. C'est un niveau que je n'avais jamais atteint auparavant.

En France, on parle un peu plus de vous depuis mardi. Comment vivez-vous cela ?

J'ai eu la chance d'avoir pas mal de coups de projecteurs en Coupe de France. J'ai fait plusieurs plateaux de télévision. C'était sympa, mais là, ça prend une tournure internationale. Je pense être assez expérimenté pour rester humble, parce que tout est à faire ici. Le travail est là. C'est surtout beaucoup de fierté pour ma famille et beaucoup de joie pour mes joueurs. Quand on les voit, ils sont super contents de ce qu'ils ont fait. Ils le méritent et je suis vraiment heureux pour eux.
"Je ne veux pas me mêler de la politique. Je sais juste que certains ont compris le message, qu'ils sont à fond derrière ce message, et vivement qu'on puisse travailler."

Madagascar est en pleine expansion sur le plan du foot et pourtant "tout est à faire", comme vous dîtes. Que reste-t-il à faire justement ?

Beaucoup de choses. Ce qu'il faut savoir, c'est que le football est amateur à Madagascar. En sélection, si on prend les trois derniers matches, il y avait un local contre le Sénégal, le gardien de but. Un autre lors de l'avant-dernier match en Guinée, le latéral droit, puisque Romain Métanire se mariait ce jour-là. Au retour, Thomas Fontaine était suspendu et un local a joué en défense centrale. Il y a un immobilisme énorme au niveau de la Fédération. C'est évident. Des gens n'ont peut-être pas l'habitude de travailler, ils n'aiment pas trop être bousculés. Et pourtant, il y énormément de choses à faire, un vivier énorme à exploiter, notamment au niveau des jeunes. Je prends un exemple. La FIFA a offert un centre technique national il y a quelques années. Aujourd'hui, il est totalement délabré, laissé à l'abandon. C'est à rénover. Une académie avait aussi été lancée et c'est tombé à l'eau. Ici, le début se fait souvent bien, puis on laisse tomber. C'est pour ça que je souhaite que la qualification pousse tout le monde avec nous. Des élections se préparent à la Fédération et même si je ne rentre pas dans la politique, j'espère que ça va bien se passer et que les gens qui vont être élus vont prendre conscience de tout ça pour remettre tout le monde au travail.

Des échanges ont sûrement déjà eu lieu avec les candidats.

J'ai déjà eu plusieus échanges avec les candidats, bien sûr. Certains sont plus conscients que d'autres. Il est évident que l'actuel président n'a pas bien conscience de tout ce qui se passe. C'est un homme que je respecte beaucoup, qui est très charmant, mais il est mal entouré. Alors, forcément, ce serait compliqué parce que je ne vois pas comment il pourrait changer les choses. C'est tout ce que j'ai à dire, mais encore une fois je ne veux pas me mêler de la politique. Je sais juste que d'autres ont compris le message, qu'ils sont à fond derrière ce message, et vivement qu'on puisse travailler.

"Ajorque hésite un petit peu, mais je vais le rappeler"


La qualification vient valider ce travail réalisé depuis votre arrivée. Mais ne craignez-vous pas une baisse d'attention de vos hommes pour les deux derniers matches ?

Je ne pense pas, car les joueurs sont à fond. Ma seule peur, c'est que la Fédération décide de ne pas faire venir tous mes "expats" ou qu'ils refusent que mon préparateur physique vienne, pour économiser de l'argent et faire jouer un maximum de locaux. C'est un peu l'état d'esprit. "On y est, maintenant on s'en fout. On jouera avec ce qu'on a". Ce n'est pas comme ça que je vois les choses. Si je ne dis rien, je suis sûr que la Fédération n'organisera pas de matches de préparation avant la CAN. On fera nos deux matches contre le Soudan et le Sénégal, et puis c'est tout. Mon gros travail, c'est la prise de conscience et faire bouger les choses car le secret de notre réussite, c'est d'avoir travaillé en vase clos, aidé par Ahmad Ahmad directement et des partenaires privés. C'est tout. On a avancé seuls, contre vents et marée. Il faut bien le dire.

Vous réclamez de l'ambition et du professionnalisme en fin de compte.

Et du travail avant tout. Car je vous assure, il faut le vivre pour le croire.

Cette qualification rapproche aussi Madagascar du Top 100 au classement FIFA. Ça vous inspire quoi ?

On doit être 106e et je crois que le nouveau classement doit tomber jeudi. Si c'était l'ancien barème, on serait dans le Top 100 à coup sûr. Mais avec le nouveau, c'est plus compliqué. En 2013, Madagascar devait être 186e. Quand j'ai pris la sélection, je crois qu'on était 146e. On est descendu jusqu'à la 85e place. On est remonté ensuite, parce qu'on a fait quelques mauvais résultats en CHAN. Ça a compté dans notre baisse. Le match nul contre le Sénégal ne nous a fait gagner que deux places alors que c'était quand même un petit exploit. J'espère vraiment qu'on va être dans les 100 premiers. Et si on pouvait battre le Soudan le mois prochain avec une équipe sérieuse, on descendrait encore, tout en s'offrant une finale de poule au mois de mars contre le Sénégal. Ce qui serait vraiment bien.

On imagine que vous allez chercher à renforcer le groupe avec l'arrivée de nouveaux joueurs. Des dossiers sont-ils plus avancés que d'autres ?

Il y en a un qui est très avancé et qu'on doit boucler très vite.

Qui concerne l'attaquant strasbourgeois Ludovic Ajorque peut-être ?

Pas du tout. C'est un autre joueur dont le nom n'est pas encore sorti. Ludo, je l'ai eu plusieurs fois au téléphone. Il hésite un petit peu, mais je vais le rappeler. C'est quelqu'un de droit, d'intelligent, qui hésite à venir parce que Faneva (Andriatsima) est capitaine et qu'il ne veut pas faire d'ombre en étant en concurrence avec lui. Mais il faut qu'il oublie ça, parce que Faneva est le premier à réclamer un renfort offensif.

On sait que des discussions ont débuté avec Zacharie Boucher depuis pas mal de temps. Où en êtes-vous avec lui ?

Pour lui, c'est différent. Il pensait peut-être encore à l'équipe de France... On en a besoin, même si nos gardiens font l'affaire actuellement. On me dit aussi qu'il y a un bon gardien à La Réunion, mais il faut que je le vois. Là, franchement, je cherche. Mais il faut à tout prix qu'on trouve un gardien supplémentaire de qualité, un attaquant pour aider Faneva, et sans doute un défenseur polyvalent qu'on va pouvoir annoncer bientôt je pense.

https://www.goal.com [22.10.2018]

CAN 2019 BAREA

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